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On en attend beaucoup

Avec des résultats positifs, l’activité semences devrait continuer à se conforter, tant elle est porteuse d’espoir pour répondre à la transition agroclimatique. Encore faut-il ne pas lui mettre trop de bâtons dans les roues.

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La campagne 2019-2020 se termine avec de bons résultats pour les semenciers français. Après quatre ans de stabilité ou de baisse, les ventes en France ont progressé de 7 %, à 1,7 Md€. « Malgré une baisse des surfaces de blé à l’automne 2019 de 500 000 ha, le secteur des céréales et protéagineux a vu son chiffre d’affaires augmenter de 9 % en 2019-2020, précise Philippe Silhol, responsable du service Études et statistiques au Gnis. Le taux d’utilisation des semences certifiées s’est renforcé. En blé tendre, il a repassé la barre des 50 % (à 51), alors qu’il oscillait depuis quatre ans entre 45 et 48 %. Les orges sont restées stables et les pois protéagineux de printemps sont passés de 176 000 à 212 000 ha. De même, les ventes de maïs-sorgho ont fait un bond de 11 %. » Le maïs, qui avait vu ses surfaces s’effriter ces dernières années, a retrouvé en 2020 ses emblavements d’il y a cinq ou six ans. Les ventes de semences fourragères continuent à augmenter légèrement. « Ce sont surtout les légumineuses fourragères qui progressent, poursuit le responsable du Gnis. Les semences destinées aux couverts de sol ont aussi grimpé de 19 %. » Les plants de pommes de terre enregistrent également une embellie avec des ventes en hausse de 17 %, avec des surfaces en consommation quasi stables mais, selon le Gnis, des plants cette année de plus gros calibres.

La plus forte hausse en oléagineux

« Ce sont les ventes d’oléagineux qui bénéficient de la plus forte hausse, + 20 % avec une légère baisse des surfaces ensemencées en colza, mais un bond de 26 % de celles de tournesol au printemps 2020, et de 11 % de celles de soja », indique-t-il. Le marché qui a le plus souffert est celui des betteraves sucrières avec une baisse des surfaces de 5 à 6 %, et celui des potagères et florales. « Et si, toutes espèces confondues, le marché des semences en France avait perdu de la valeur à cause de la disparition de certains traitements de semences, la dernière campagne a vu l’utilisation de biostimulants et d’oligoéléments sur les semences augmenter », ajoute Philippe Silhol. À noter que la part du triage à façon par des professionnels pour les semis 2020-2021 augmente aussi. « Nous estimons une progression du triage de 5 à 10 % dans le Nord-Est, une stabilité dans le Centre, et une baisse de l’ordre de 5 % dans l’Ouest atlantique », note Sylvain Ducroquet, président du Staff, syndicat des trieurs à façon de France.

Un quintal sur deux exporté

La France vient aussi de battre un nouveau record pour ses exportations de semences, à 1,86 Md€ contre 1,66 Md€ en 2018-2019, et ce malgré la crise du Covid. Plus d’un quintal sur deux de semences produites en France est désormais exporté. Ce qui porte le chiffre d’affaires de l’activité semences, ventes en France et export, à 3,56 Mds€ et contribue à la bonne tenue de la balance commerciale agricole. « L’excédent de la balance commerciale française des semences affiche, pour la campagne 2019-2020, des résultats qui dépassent pour la première fois la barre du milliard d’euros », souligne François Burgaud, directeur des relations extérieures au Gnis. La croissance des exportations est principalement portée par les semences de maïs qui battent un record à 658 M€, en hausse de 16 % par rapport à 2018-2019. De même, les oléagineux affichent un excédent du solde de la balance commerciale record de 245 M€ (+12 %).

Les bons résultats signalés pour l’ensemble du secteur se retrouvent dans les comptes des entreprises semencières. La plupart ont vu leur CA se conforter en 2019-2020 (voir pp. 36 et 37). Par rapport à d’autres secteurs de l’agrofourniture, celui des semences reste peu concentré, avec des multinationales certes, mais aussi des ETI et des PME. Seules 7 % des entreprises ont un CA supérieur à 80 M€, selon l’UFS, et un tiers ont un CA inférieur à 5 M€. « C’est aussi à travers ces débouchés à l’export que se structurent les acteurs nationaux de la filière », estime François Burgaud.

Les agriculteurs bien engagés

Comment se présente l’activité semences pour les années à venir ? Les agriculteurs commençaient à être habitués à devoir faire face à des épisodes de sec ou de fortes pluies certaines années, mais en 2019-2020, les pluies ininterrompues de l’automne et de l’hiver, suivies par une très forte sécheresse, ont provoqué une chute des rendements de plus de 25 % en moyenne en blé, et de mauvais résultats dans presque toutes les cultures de printemps. Le changement climatique est bel et bien là, y compris dans les départements des Hauts-de-France ou de Normandie. Cette évolution était perçue depuis plusieurs années, mais associée à la disparition de molécules phytos, à la demande sociétale qui s’accentue, aux difficultés économiques dans les exploitations qui se cumulent d’année en année, elle a provoqué en 2020 pour les agriculteurs une sorte d’électrochoc qui va accélérer le mouvement qu’ils ont engagé depuis plusieurs années.

Pour s’en sortir, ils sont à la recherche de pistes afin d’adapter leurs cultures classiques aux à-coups climatiques, par l’apport de la génétique, le mélange de variétés, le recours à des variétés plus précoces, ou encore l’implantation de variétés de printemps avant l’hiver ou de nouvelles cultures. Les agriculteurs veulent aussi cultiver avec moins de phytos par conviction environnementale, pour répondre aux attentes de la société, pour fournir des produits à plus forte valeur ajoutée dans le cadre d’un engagement HVE (Haute valeur environnementale) ou « sans résidus phytos », pour réduire leur empreinte carbone ou tenter de faire des économies. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à mettre en place des cultures destinées à la méthanisation, à passer à l’agriculture de conservation ou au bio.

L’imprévisibilité réglementaire

Toutes ces décisions ont un impact sur la demande en semences, et en particulier sur les axes de sélection, le choix des variétés ou la diversité d’espèces proposées. Et les sélectionneurs comme les semenciers ont déjà des réponses concrètes.

Le secteur des semences doit faire face à un autre enjeu de taille, celui de faire accepter ses choix par la société. L’attribution du prix Nobel de chimie en octobre à la française Emmanuelle Charpentier et à l’américaine Jennifer Doudna pour la technologie Crispr-Cas9, qui faciliterait et accélérerait la sélection de plantes résistantes, y changera-t-elle quelque chose ? Le premier frein identifié par Euroseeds, dans une enquête que l’association a conduite auprès des semenciers européens, est l’imprévisibilité réglementaire. « Les sélectionneurs ont besoin de lisibilité et de régularité pour pouvoir travailler, insiste Claude Tabel, président de l’UFS. Des programmes de recherche ont été stoppés ou reportés en raison de la situation réglementaire en Europe depuis juillet 2018 et la décision de la Cour de justice européenne d’assimiler les nouvelles biotechnologies végétales (NBT) aux OGM. » Pour se faire mieux comprendre et accepter, le Gnis a choisi de s’ouvrir à la société (lire p. 24) et l’UFS multiplie les alliances et renforce sa communication.

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